En Géorgie, la « loi russe » menace la démocratie

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Dans ce petit pays, des milliers de manifestants tentent d'empêcher l'adoption d'un texte qui risque de compromettre leur avenir européen. Opposants au projet de loi sur l'« influence étrangère », à Tbilissi vendredi. (Crédits : © LTD/ VANO SHLAMOV/AFP)

Tout un symbole. Vendredi soir, à Tbilissi, le rassemblement a démarré place de la Liberté, devant l'hôtel Paragraph et sa grande façade de verre. L'établissement de luxe appartient à la société de l'oligarque Bidzina Ivanichvili, qui dirige le pays en coulisses. Ancien Premier ministre, le milliardaire géorgien de 68 ans est le fondateur du parti au pouvoir, Rêve géorgien, dont il est aujourd'hui le président honoraire. « Non à la loi russe », « nous ne nous fatiguerons pas », ont scandé les manifestants en se dirigeant vers le siège du parti. Malgré la pluie, malgré la veille du week-end de la Pâque orthodoxe, ils étaient des milliers à défiler dans le centre de la capitale géorgienne, pour protester contre le projet de loi sur l'« influence étrangère ».

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 Veto de Salomé Zourabichvili

Ce dernier prévoit d'obliger toute ONG ou média recevant plus de 20 % de son financement de l'étranger à s'enregistrer comme « organisation défendant les intérêts d'une puissance étrangère », avec des amendes pour les contrevenants. Adopté en deuxième lecture par le Parlement mercredi, le texte doit encore faire l'objet d'une troisième et dernière lecture le 17 mai. La présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, ancienne diplomate française, proeuropéenne convaincue et fermement opposée à cette loi, y mettra son veto, mais le Parlement pourra passer outre.

Le texte est directement inspiré d'une loi en vigueur en Russie depuis 2012, utilisée par le Kremlin pour museler et réprimer toute voix critique. « Si cette loi est acceptée, la plupart des médias libres et les ONG fermeront, redoute le politologue Kornely Kakachia, directeur de l'Institut géorgien de la politique, think tank établi à Tbilissi. Elle compromet aussi notre intégration européenne. » En décembre 2023, l'ancienne république soviétique du Caucase de 3,7 millions d'habitants a reçu le statut de pays candidat à l'adhésion à l'UE. Bruxelles a toutefois appelé le gouvernement géorgien à mener des réformes électorales et judiciaires, à améliorer la liberté de la presse et à lutter contre les oligarques.

La mobilisation ne faiblit pas

C'est bien son avenir européen que défend farouchement dans la rue la population géorgienne, favorable à plus de 80 % à une entrée dans l'Union, selon les sondages. Au cours des manifestations quasi quotidiennes depuis près d'un mois, désormais étendues à d'autres villes du pays, la foule brandit les drapeaux européen et géorgien. Malgré plusieurs incidents et violences - mercredi, la police a procédé à des interpellations et a dispersé le rassemblement à coups de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc -, la mobilisation ne faiblit pas. Elle rappelle celle de mars 2023, quand le gouvernement géorgien avait déjà tenté de faire passer cette loi, avant de reculer devant l'opposition de la population.

Pourquoi faire revenir le texte au Parlement maintenant, à quelques mois des élections législatives d'octobre ? « Personne ne s'y attendait », confie Kornely Kakachia, qui avance deux hypothèses : « Rêve géorgien n'est pas sûr d'obtenir une majorité constitutionnelle au futur Parlement. Avec cette loi, il veut marginaliser la presse libre et la société civile avant le scrutin. » Autre explication, la volonté de détourner l'attention du public d'une autre loi que le Parlement vient de voter en douce : la « loi offshore », qui offre des avantages fiscaux aux milliardaires qui transfèrent leurs actifs offshore en Géorgie. « Il semble que Bidzina Ivanichvili veuille être utile aux oligarques russes », pense le politologue.

Lundi dernier, l'homme d'affaires géorgien, dont la parole publique est rare, a tenu un discours particulièrement violent à l'encontre de l'opposition et de la société civile géorgiennes, mais aussi des Occidentaux, les accusant de vouloir renverser le régime en Géorgie. « Le financement non transparent des ONG est le principal instrument pour la nomination d'un gouvernement géorgien de l'étranger », a-t-il affirmé, justifiant la nécessité d'adopter la loi controversée.

Un tournant

Un discours qui marque un tournant, alors que les autorités de Tbilissi avaient jusqu'à présent toujours conservé une position proeuropéenne de façade. « Bidzina Ivanichvili ne cache plus ses ambitions d'instaurer un gouvernement autoritaire. Il est prêt à utiliser tous les moyens, y compris la répression et la force, pour éliminer toute dissidence et rester au pouvoir, estime Kornely Kakachia. Pour se justifier, il a recours aux théories du complot. C'est une évolution très dangereuse. » La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait part mercredi de sa « vive inquiétude », appelant Tbilissi à « garder le cap » vers l'UE. Jeudi, les Nations unies ont demandé le retrait du projet de loi sur l'influence étrangère.

Pour Kornely Kakachia, seule une très forte pression occidentale assortie de sanctions pourrait faire reculer le gouvernement géorgien. L'opposition doit également dépasser ses clivages habituels et faire bloc face au parti au pouvoir. Sans quoi la Géorgie risque de se retrouver définitivement dans le giron russe.

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