Jeux olympiques : le relais de la flamme, un héritage de l'Allemagne nazie

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Partie le 27 avril dernier d'Athènes à bord du bateau le Belem, la flamme olympique, allumée au sanctuaire d'Olympie, est attendue dans le port de Marseille ce mercredi 8 mai. Le périple du relais de la flamme à travers le territoire prendra fin lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques (JO), le 26 juillet à Paris, au moment de l'allumage de la vasque. Indissociable des JO, ce rituel du relais de la flamme n'existait pas en Grèce antique. Il a des origines plus sombres et controversées que l'on imagine. 

Emblème de la paix et de l'unité internationale, allumée par une prêtresse d'Olympie, représentant la pureté, la flamme olympique est un symbole des JO. L'allumage de la vasque dans le pays hôte est le point culminant de la cérémonie d'ouverture et le point de départ des jeux. 

Début des Jeux modernes

Pierre de Coubertin était un rêveur. Il fait renaître les Jeux antiques en 1896. Deux ans plus tôt, il avait créé le Comité International Olympique (CIO). Trois des cinq premières éditions des JO sont organisées sous la tutelle des Expositions universelles (Paris en 1900, Saint-Louis en 1904 et Londres en 1908), car à cet époque le Comité a encore peu d'influence. 

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Après l'horreur de la Première Guerre mondiale, les idéaux patriotique, universaliste et pacifiste du Baron Pierre de Coubertin convainquent, peu à peu, le monde entier. En 1920 à Anvers en Belgique et en 1924 à Paris en France, il impose le drapeau aux cinq anneaux, le salut et la devise des Jeux olympiques. Il quitte la présidence du CIO en 1925, après avoir initié un mouvement global.

La flamme olympique, symbole de pureté

L'histoire moderne de la flamme olympique ne débute qu'en 1928, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'Amsterdam. Pour la première fois, un pays organisateur allume une flamme destinée à brûler le temps de l'événement sportif. Ce symbole faisait référence au feu sacré sur l'autel du temple d'Héra, situé au cœur du sanctuaire d'Olympie, qui brûlait en permanence durant les Olympiades dans l'Antiquité.

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Le relais de la flamme depuis Athènes jusqu'à la ville choisie pour accueillir les Jeux est une invention récente et surprenante. C'est en 1936, aux JO de Berlin, que le relais de la flamme dans plusieurs pays trouve ses origines. 

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Le relais comme outil de propagande nazie

L'idée germe dans l'esprit d'un homme, Carl Diem, secrétaire général du comité d'organisation allemand. En 1931, cet universitaire et théoricien du sport imagine un parcours de la flamme au départ d'Olympie jusqu'à Berlin. Le CIO, toujours empreint de solennité, donne son accord en 1934. 

La folle idée de Carl Diem brûle dans les esprits olympiques, mais entre-temps, Adolf Hitler arrive au pouvoir en 1933. L'organisation des Jeux Olympiques devient alors incertaine. Carl Diem se pose cette question : comment convaincre le Führer d'accueillir cette compétition internationale ? Éloigné des idées du national-socialisme, Carl Diem cherche à construire un récit autour de la flamme olympique et de l'idéologie du nouveau pouvoir. 

Son premier interlocuteur n'est autre que Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande du régime nazi. Goebbels trouve l'idée géniale. Il y voit une opportunité exceptionnelle de promouvoir le IIIᵉ Reich, comme un régime moderne et civilisé aux yeux du monde. Le parcours de la flamme, d'Olympie à Berlin, pense-t-il, permettra de légitimer l'idéologie nazie en l'associant aux idéaux de grandeur et de pureté de la Grèce antique. 

En 1936, la flamme est portée par 3075 athlètes. Elle parcourt plus de 3000 km pour arriver à Berlin. L'Allemagne nazie choisit méticuleusement les pays européens traversés : Yougoslavie, Tchécoslovaquie et l'Autriche, qu'elle finira par envahir pendant la Seconde Guerre mondiale, et trois autres États. Grâce à cet évènement, l'Allemagne bénéficie d'une image pacifique, amicale et séduisante, tout en dissimulant sa politique répressive et antisémite. 

Instrumentalisation de la flamme

Le 1er Août 1936, devant 100 000 personnes, dans le stade olympique de Berlin, Fritz Schilgen entre dans l'enceinte. Il est, ce jour là, le dernier porteur de la flamme olympique. Cet athlète allemand, spécialiste de courses de demi-fond, a été  sélectionné pour ses traits physiques - des yeux bleus et des cheveux blonds - bien plus que pour ses exploits sportifs. Il incarnait à la perfection l'idéal de la jeunesse allemande selon Adolf Hitler : sportive et combattante.

Pourtant, Fritz Schilgen n'est ni un sportif habitué des JO, ni même particulièrement proche du régime nazi. Mais cette image, montrée au monde entier, est plus importante que la performance, pour le IIIᵉ Reich.

Tout le cérémonial autour de la flamme est salué par le CIO, aveuglé par un événement qualifié, par certains de ses membres, de "grandiose".

Malgré ses origines controversées, le relais de la flamme a persisté dans les cérémonies des Jeux olympiques modernes. Le Comité International Olympique (CIO) l'a adoptée et maintenue dès les Jeux suivants, à Londres en 1948, juste après la guerre. 

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Le relais olympique s'est depuis imposé comme un symbole de paix et une continuité entre les Olympiades anciennes et modernes.