Voici la consommation annuelle d'une famille française sur une seule photo

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Se faire enfermer dans un supermarché relève pour certains du fantasme, mais après une nuit passée dans les allées du Monoprix, notre petite équipe ne peut plus voir un chariot en peinture. Pour monter cette photo événement, qui en dit plus sur notre alimentation que mille mots et autant de tableaux statistiques, il aura fallu cavaler non-stop entre les rayons et les réserves. 23 heures sonnent le top départ de la course aux courses, selon une liste géante établie pour Paris Match par le panéliste Kantar. Le dernier client sorti, les caisses fermées, le manager nous confie les clés. Son garde-manger gargantuesque est transformé en studio photo éphémère. Dans cette halle désertée, il a pris soin de laisser la musique en fond sonore. Comme pour nous rassurer. Nous avons carte blanche pour occuper ce terrain de jeu jusqu'à 8 heures pétantes. À l'arrivée des premiers chalands, nous devrons avoir fait place nette. Un timing serré aussi pour cette famille modèle dont il a fallu réveiller les enfants en pleine nuit…

Alors que le quartier Beaugrenelle, à Paris, s'endort, Monop se transforme en ruche. À quatre, il nous faut charrier, en mode circuit de karting, quantité de ­bouteilles d'eau (126), de jus de fruits et de sodas (67), des piles de conserves (57) et de packs de yaourts (34), ordonner une centaine de kilos de légumes frais, des plats cuisinés, des biscuits, du café, des fromages et des pizzas, présenter 40 kilos de viande et 20 de charcuterie, des surgelés, faire le casting des boîtes de petits pois sans bosses avec étiquette impeccable. Sans oublier les deux incontournables bouteilles de pastis… Soit ce qu'en France une famille de deux adultes et deux enfants aura avalé chez elle en moyenne en 2023. Nature morte tirée au cordeau par notre photographe pour un décor de conso-fiction. Voici que s'ouvrent frigos et placards appartenant à tous les profils : citadins ou campagnards, jeunes et vieux, revenus modestes et cadres sup, viandards, végétariens…

Un livre ouvert sur le centre de la vie des Français : le repas

En 1951, Paris Match se lançait pour la première fois dans la réalisation de cet état des lieux. Nos journalistes avaient alors rassemblé bidons de lait, quartiers de bœuf et centaines de litres de vin devant un Félix Potin. Depuis, les menus ont bien changé ! Toujours moins de pain, de pommes de terre, de cochonnaille et de jaja. Au fil des décennies, les six images produites par notre magazine se révèlent de formidables radioscopies de nos paniers. Et comme dans « Où est Charlie ? », chacun y cherchera ses produits fétiches, et s'étonnera sans doute de trouver, en 2024, 50 paquets de biscuits apéro et un chariot rempli à ras bord de viennoiseries. Après l'âge du bronze et l'âge du fer, celui de l'emballage… Pour une fois, les données utilisées sont précises et fiables. Un livre ouvert sur le centre de la vie des Français : le repas. « Nous avons une relation très particulière à l'alimentation, synonyme de plaisir, quand les Allemands ou les Anglais n'y ont qu'un rapport fonctionnel », analyse Gaëlle Le Floch, experte de la grande distribution et des tendances de consommation chez Kantar.

1951. Une alimentation carnée, et bien arrosée. Devant la grande épicerie Félix Potin à Paris. Paris Match / © Izis

Pour celle qui décrypte nos habitudes depuis notre photo de 2019, c'est le chamboulement.

À première vue, en comparant les deux images, rien ne saute aux yeux. Pourtant, l'analyste est formelle : la crise due au Covid, la guerre en Ukraine avec son cortège inflationniste, et, depuis deux ans, la crise écolo, plus tangible, modifient profondément nos envies et, déjà, nos achats. Après l'abondance des Trente Glorieuses, le règne des hypers, des marques et du congelé dans les années 1990, puis l'émergence du bio et du vrac, les confinements ont remis en question nos habitudes, notre rapport au temps, à la valeur des choses. On peut même ­parler d'une crise existentielle qui se transcrit dans la nécessité et l'envie de cuisiner soi-même : fini la cantine et le resto d'entreprise, bonjour la machine à pain. C'est aussi le rêve du retour à la nature, la reconsidération des agriculteurs « sauveurs de la nation ». Après l'empire du « made in », le fait maison retrouve ses lettres de noblesse et a reconquis nombre de foyers.

1999. La part de la nourriture dans le budget des ménages est de 18%, contre 33% en 1960. Le bio fait une timide apparition. Paris Match / © Hubert Fanthomme

Dans l'arbitrage entre fin du mois et fin du monde, le bio est le grand perdant

Question souveraineté, le conflit ukrainien a donné des sueurs froides à la grande distribution : pénurie de moutarde, d'huile, de farine due essentiellement à un rush panique. Après deux ans de conflit, le décrochage demeure. Pour la première fois, les volumes de vente ont baissé : - 3 %, une petite révolution. C'est que, face à une inflation alimentaire qui a atteint le record de 20 %, il a fallu mettre en place une stratégie, privilégier premiers prix et marques de distributeurs. Et surtout halte au gaspi. Grâce à quoi le ticket ne gonfle que… de 8 %.

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Dans l'arbitrage entre fin du mois et fin du monde, le bio est le grand perdant. « Environ 40 % des ménages sont engagés dans une consommation plus responsable, car ils font le rapport santé-alimentation et ont une conscience plus écolo, qu'ils mettent en pratique si leur porte-monnaie est bien garni. On parle alors d'adéquation entre ce qu'ils déclarent dans nos enquêtes et la réalité de leurs achats. Ces profils ­parfois très déterminés, voire militants, font du marché le week-end un plaisir, un loisir. » Pour Gaëlle Le Floch, a contrario, « environ 15 % des ­Français sont imperméables à ces enjeux : pas les moyens, pas le temps, pas la connaissance ». Restent 40 %, le ventre mou, qui doivent sans cesse choisir entre la fraise de Plougastel bleu, blanc et bien rouge à 5 euros la barquette, ou l'espagnole moitié moins chère. Plus préoccupant encore, conséquence de la forte inflation depuis deux ans, le nombre de repas zappés et, en tête, le petit-déjeuner. « On compte moins de bouteilles de lait entre les photos de 2019 et celles de 2024, moins de céréales ; il y a moins de pain consommé le matin. »

2019. Les Français toujours champions du monde côté repas avec deux heures et onze minutes passées en moyenne à table chaque jour. Paris Match / © Philippe Petit

La viande qui risque de voir rouge 

Chez Monoprix, selon Pauline Glaziou, directrice alimentaire et beauté, « le bio va mieux. On est revenu aux chiffres de 2019, avec une part de 11,1 % des achats, contre 5,7 % pour les autres distributeurs [hors magasins spécialisés type Naturalia ou ­Biocoop]. On y croit beaucoup ». Implantés en cœur de ville, les magasins de l'enseigne drainent une clientèle dont le pouvoir d'achat reste élevé. À son apogée en 2019, le vrac a pourtant pris du plomb dans l'aile… En cause, le Covid, avec la fermeture des rayons pour raisons sanitaires. Depuis, il peine à retrouver sa place. « Nous avons réalisé de nombreux essais, y compris avec la lessive et le gel douche. Ils n'ont pas porté les fruits espérés. Cependant, en conformité avec la loi Agec, nous consacrerons 20 % de nos surfaces de vente au vrac d'ici à 2030. Nous sommes pleinement engagés dans ce processus », insiste ­Pauline Glaziou. Pas le choix non plus pour l'agro-industrie concernant l'empreinte écologique des ­produits alimentaires. C'est surtout la viande qui risque de voir rouge : après le Nutri-score, l'­Éco-score va obliger les producteurs à indiquer leur impact environnemental. Pour Mathilde Gressier, du Crédoc, mesurer l'évolution de la quantité de protéines animales consommées s'avère complexe.

« Dans nos enquêtes, ceux qu'on interroge pensent à déclarer steak ou rôti. Mais pas forcément les lasagnes qui contiennent pourtant du bœuf. Un tiers des Français déclarent manger des plats végétariens, ­occasionnellement. » Selon la liste ­établie par Kantar, pour une famille au cours d'une année, on compte seulement trois ­bouteilles de substitut au lait (lait végétal) et un seul substitut à la viande (steak végétal). Gaëlle Le Floch ­précise : « Cela représente, avec les yaourts et les crèmes desserts au soja, environ 0,6 % des dépenses annuelles. Donc une niche, qui s'ajoute à d'autres émergentes, comme le recours aux légumineuses. La diversification de notre alimentation est bien en marche, mais lentement, car les ­Français restent très attachés à certaines traditions culinaires. »

Moins mais mieux

Dans cette perspective inéluctable de la vague de fond du « plus vert », quelques start-up - comme Umiami, Ynsect - misent gros. Le Salon international de l'alimentation (Sial) se tient tous les deux ans à Paris. Un de ses experts, Xavier Terlet, directeur de ProtéinesXTC, nous l'explique : « Lors du Sial 2020, le végétarien représentait déjà un quart des innovations présentées. Tous les grands de la volaille et de la viande se lancent sur le marché de la protéine végétale. À l'origine du mouvement, la prise en compte du bien-être animal : certaines conditions d'élevage ont eu un effet répulsif sur le consommateur ! Le besoin de traçabilité totale va faire de la viande un produit de luxe. En résumé, moins mais mieux. Quand on sait que les légumineuses sont une bonne source de protéines, on se rassure : nous pouvons compter sur la qualité de nos lentilles et de nos haricots AOC ! » Sans parler du talent de nos chefs. Ils sauront accommoder tout ça, quitte à faire des insectes un véritable caviar. Vous reprendrez bien une galette aux vers de farine ?

Monoprix a fait don des produits frais et congelés aux Restos du cœur.

Méthodologie

Liste de denrées alimentaires établie par Kantar pour Paris Match selon la méthodologie suivante : 

Ces données sont issues d'un échantillon de 20 000 foyers panélistes de Worldpanel pour leurs achats de produits frais traditionnels (poisson, viande, légumes, fruits, fromages, charcuterie-traiteur) et produits de grande consommation et frais libre-service (alimentaire, liquides), pour leur consommation à domicile.

Kantar est le leader mondial de la data et des analyses marketing pour les plus grandes entreprises du monde entier.  Kantar combine les données sur les attitudes et les comportements pour suivre la façon dont les gens pensent et achètent. La division Worldpanel est experte de la consommation des marchés alimentaires, beauté, fashion, e-commerce, OTC (over the counter/par dessus le comptoir), et media. 

Les grandes courses

Beurre

22 plaquettes de beurre 250 g 

6 plaquettes de margarine de 250 g

Crème

12 pots de crème fraîche 

3 paquets de 3 briques de crème UHT

Lait

66 bouteilles de 1 litre (demi écrémé, UHT) 

3 bouteilles 1 litre carton lait végétal/ soja

Œufs

17 boîtes d'œufs plein air 

3 boîtes bio 

Yaourts

Nature = 14 packs 

Aromatisés/fruits = 14 packs 

Desserts sucrés ultra-frais : 60 packs

Danette chocolat, vanille  22 packs de 4

Fromage blanc nature, pots de 1 kg = 10  

Liégeois 10 packs

Compotes  8 packs 

Riz au lait  6 packs 

Crèmes dessert soja  4 packs 

Fromage libre-service

10 chèvres type Chevrou, 

6 boîtes de vache qui rit

6 boîtes d'apéricubes (grandes)

8 boîtes de Mme Loïc nature ou Philadelphia

18 camemberts

12 sachets de mozarella 

14 sachets d'emmental râpé 

Fromage à la coupe

½  brie

2 kg de comté 

3 kg de raclette ou tomme 

1 kg de cheddar ou saint-Paulin 

1,5 kg de roquefort ou bleu 

 

Surgelé salé

12 sachets légumes (7 haricots verts, épinards, choux fleurs, 5 poêlées)

5 sachets de 1 kg frites

5 boîtes pommes de terre noisettes ou rissolées 

7 pizzas

7 plats surgelés 

Glaces

3 bacs vanille

7 boîtes esquimaux (type Magnum)

7 boîtes cônes

Salades sachet 

11 paquets 

Traiteur libre-service 76 unités

Plats cuisinés individuels = 25

Pâtes à tarte, à pizza : 18

Pâtes fraîches farcies : 15

Salades composées : 10

Grandes pizzas: 8

Sucre poudre : 9 paquets de 1 kg

Farine : 5 paquets de 1 kg

Biscuits sucrés

Petits-beurre : 15 paquets 

Prince : 10 paquets

Nappés type Granola, cookies, 20

Confiserie chocolat

5 tablette chocolat dessert 

17 tablettes chocolat noir et au lait

10 boîtes de chocolat saison/ assortiment de Pâques 

Bonbons 14 paquets 

Fruits en conserve

4 bocaux de compote 1 kg 

3 packs de 4 gourdes compote

3 grands boîtes de conserve fruits au sirop 



Pain emballé

19 pains de mie

6 paquets pain burger

10 paquets de biscottes

Viennoiserie industrielle

40 paquets de brioches, pains au lait, madeleines

Petit-déjeuner

17 paquets café moulu (250gr) Mono

4 packs de dosettes café soluble 

4 paquets céréales adultes (Muesli, corn flakes)

4 paquets céréales enfants

3 boîtes de poudre de chocolat 

8 pots confiture 

5 pots pâte à tartiner 

4 paquets de sachets de thé

4 paquets de sachets infusion 

Fruits

21 kg agrumes (oranges, clémentines, citrons)

14 kg de pommes

4 kg de poires

3 kg raisin 

20 kg de bananes

3 kg avocats

2 kg kiwis

3 kg de fraises

5 kg pastèques/melons

10 kg fruits divers de saison

Légumes

48 kg: carottes, courgettes, concombres, oignons, endives, poireaux, poivrons, champignons.

5 kg de salades

13 kg de tomates

25 kg de pommes de terre

Huile, épices 

7 bouteilles d'huile, 5 bouteilles de vinaigre, 5 flacons d'épices/herbes, 4 pots de mayonnaise, 4 pots d'olives, 3 pots de moutarde, 2 pots de ketchup, 2 boîtes de sel, 1 flacon de poivre.

Sauce tomate, pesto

18 bocaux 

7 briques de soupe



Conserves légumes : 40 unités

Haricots verts, flageolets, ratatouille, champignons etc 

Conserves poisson

10 boîtes de thon

7 boîtes de sardines

Féculents

20 paquets coquillettes, macaronis 

5 paquets de spaghettis 

5 paquets de riz

5 paquets de semoule

2 paquets de lentilles 

Produits apéritif : 50 paquets

Cacahuètes, amandes, chips etc 



Pain 

37 baguettes

9 kg de pain répartis en pavés

Poisson :

7 kg de poisson (entier, saumon, cabillaud, bar, daurade)

2,5 kg de crevettes/gambas

2 kg de moules, 1,5 kg environ d'huîtres



Viande

12 kg de bœuf 

10 kg de porc 

3 kg de dinde 

14 kg de poulet 

Charcuterie

4 kg de saucisses type toulouse ou chipo

2 kg de knacks

2 kg de saucisson sec

9 kg de jambon blanc 

1 morceau de lard de 2 kg

1 kg de salami ou coppa 

LIQUIDES

Spiritueux

1 bouteille de Martini



2 bouteilles de Ricard

1 bouteille de cocktail & punch



1 bouteille de rhum blanc

1 bouteille de vodka

3 bouteilles de whiskies 

Bières

9 packs divers 

4 packs de cannettes de 50 cl

2 packs de bière sans alcool

5 grandes bouteilles type bière d'abbaye

5 bouteilles de cidre

10 bouteilles de vin rouge

6 bout rosé

6 bout vin blanc

1 champagne 

4 prosecco/ crémant

30 bouteilles de jus de fruits hors frigo 

10 bouteilles Oasis, Fanta

17 Coca

6 bouteilles de thé glacé

1 pulco

1 schweeps

3 packs de Redbull

2 limonades

7 bouteilles de sirop à diluer 

126 bouteilles d'eau plate 1,5 l