TOUT COMPRENDRE. Le MGCS, char du futur franco-allemand, enfin concrétisé

→ Оригинал (без защиты от корпорастов) | Изображения из статьи: [1] [2]

Le ministre français des Armées et son homologue allemand ont signé vendredi à Paris un accord sur le projet commun de char du futur (MGCS), longtemps freiné par des intérêts divergents.

Beaucoup n'y croyaient plus. Lancé en 2012, le programme franco allemand MGCS ("Main Ground Combat System", en français le Système principal de combat terrestre) avec au cœur de ce système un char ultramoderne est enfin sur la rampe de lancement.

"Après plusieurs mois d'intenses négociations nous pouvons maintenant présenter un résultat", a déclaré le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius dans une interview publiée jeudi dans le quotidien FAZ.

Lancé en parallèle de l'avion du futur, il aura fallu des années pour que la France et l'Allemagne arrivent à définir leurs besoins et que les industriels des deux pays s'accordent sur leur rôle.

Aujourd'hui, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et Boris Pistorius, ministre allemand de la Défense, signent l'accord sur la première phase de ce programme pour chacun des huit piliers à développer: plateformes, tourelle et canon, feux innovants (missiles, armes à effet dirigé), communications et "cloud" de combat, simulation, protection, infrastructures. La responsabilité de certains piliers sera partagée entre industriels, notamment pour la tourelle et le canon. Les deux ministres n'ont pas détaillé la répartition.

• Le MGCS, c'est quoi?

Le MGCS est bien plus qu'un blindé. Il s'agit d'un système de combat dans lequel seront connectés les engins de combats terrestres des armées française et allemande.

Non seulement ceux pilotés par des humains (Serval, Griffon, Jaguar, Leclerc), mais aussi des drones terrestres et aériens avec une intelligence artificielle (IA) pour aider les soldats dans la prise de décision. Ce dispositif sera connecté à des satellites pour que les informations de combat soient partagées par les armées de l'Air et la Marine des pays partenaires.

Un nouveau char est au cœur du MGCS, tout comme le NGF (New Generation Fighter) et au cœur du Scaf. Pour l'heure, le blindé n'a pas de nom. Destiné à devenir opérationnel autour de 2040, il doit succéder au Leopard 2 allemand et au char Leclerc français.

"Dans les années 2040, il sera temps que deux pays voisins, amis, membres de l'Union européenne et de l'Otan aient évidemment une trame de cavalerie blindée qui soit complètement fonctionnelle", a déclaré Sébastien Lecornu, qui a reçu vendredi son homologue allemand à l'hôtel de Brienne.

Comme l'avait expliqué à BFM Business le général Schill, chef d'État-major de l'armée de Terre, ce char du futur sera connecté au MGCS via un cloud de combat.

Pour Sébastien Lecornu, "ce n'est pas le char du futur mais le futur du char (...) on est les premières nations à s'occuper de cette ère 2040 en matière de cavalerie et de blindés".

À quoi va ressembler ce char, quels seront ses points forts? C'est ce que devront définir les patrons des armées de Terre française et allemande et les industriels dans la première phase du projet. Pour le général Schill, ce sera "un compromis entre la puissance de feu, la protection, la mobilité et la furtivité".

• Comment le financer?

Le coût de ce programme est estimé à environ 100 milliards d'euros. Financé à parts égales par les deux pays et mené sous direction allemande, ce programme, à l'origine conduit par KNDS, une entité créée pour l'occasion entre le Français Nexter et l'Allemand KMW qui fabrique le Leopard 2, a vu l'irruption en 2019 du fabricant allemand Rheinmetall. Et cela a longtemps déstabilisé l'édifice et les répartitions envisagées entre industriels.

• Quels industriels en lice?

Les spécialistes français et allemands des blindés seront évidemment les piliers de ce programme avec KNDS France (Nexter), Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall. Comment vont-ils se répartir les tâches? Ce sera l'objet de la phase 1A que les ministres français et allemand doivent signer ce vendredi.

Mais le saut technologique de ce char impliquera aussi de nombreuses PME ou ETI de la BITD (Base industrielle et technologique de défense) ainsi que les géants français du secteur comme Thales, Safran ou MBDA.

"L'objectif est d'avoir les contrats à la fin de l'année, c'est très ambitieux," selon Boris Pistorius.

D'ici là, il va falloir que les industriels, KNDS et Rheinmetall, mais aussi une nuée d'autres entreprises des deux pays, actent la répartition exacte des responsabilités et la façon de s'échanger les informations, et mettent en place une organisation industrielle spécifique.

• Qui fera quoi?

Il y a un mois, les deux pays étaient parvenus à débloquer le dossier en se mettant d'accord sur la répartition des tâches industrielles. Le partage des responsabilités et des tâches a été conditionné à l'accord du Scaf dans lequel c'est le Français Dassault Aviation qui a la maîtrise d'œuvre du programme.

Pour le MGCS, ce sera donc l'Allemagne qui notifiera les contrats aux entreprises allemandes et françaises qui se répartiront les travaux à 50/50.

• Quels sont les piliers du MGCS?

Le chantier du MGCS sera réparti en huit piliers, contre sept pour le Scaf. Ils sont dédiés à la plateforme, à l'armement classique (tourelle et canon), à l'armement innovant (lasers anti-drones, drones, robots terrestres, munitions télé-opérées...), aux éléments technologiques (communications, Cloud de combat, connectivité), aux outils de simulation, aux capteurs, à la protection (lutte anti-drone comprise) et aux infrastructures. Il n'y a pas de piliers "intelligence artificielle" puisque l'IA sera au cœur de tous les éléments du char.

La répartition pour chaque entreprise n'a pas encore été annoncée, par contre, les tâches ont été réparties entre les différents pays

"Les entreprises n'ont pas été déterminées pour les piliers, mais juste leur nationalité. Les contrats seront notifiés aux industriels d'ici la fin de l'année par les allemands qui sont chef de file", indique une source ministérielle.

• Quels autres pays en plus de la France et l'Allemagne?

D'autres pays pourraient rejoindre le binôme franco-allemand. L'Italien Leonardo se montre intéressé et occupe actuellement un poste d'observateur. En parallèle, le constructeur italien a noué avec Krauss-Maffei Wegmann une "alliance stratégique" en vue de "créer un véritable groupe européen de défense".

Les Pays-Bas ainsi que plusieurs pays de l'Est ont également affirmé leur intérêt pour participer au programme du char du futur.

"Le programme a une vocation et une ambition export forte. Avec un cœur franco-allemand, on a une très bonne opportunité à l'export", précise une source ministérielle.

• Le char Leclerc va-t-il rester en activité après 2040?

De toute évidence, le char Leclerc restera en activité au-délà de l'année d'entrée en service du MGCS et de ses différents éléments, confirme une source.

"Si les premiers MGCS arrivent en 2040, il n'y aura pas de transition instantanée. Donc oui. Il est hautement probable qu'il y aura encore des Leclerc après 2040".

Toutefois, le Leclerc sera modernisé pour devenir un élément central du programme de combat collaboratif Scorpion. Début 2023, le ministère des Armées a commandé la rénovation de 50 Leclerc dans le cadre d'un programme de modernisation portant sur 200 engins. Peu à peu, cette pièce maîtresse de l'armée de Terre deviendra un engin hyper connecté.

Cette modernisation comprend le traitement d'obsolescences de son moteur, le renforcement de sa protection par un surblindage de son plancher contre les engins explosifs et de ses flancs ou encore l'ajout "d'un tourelleau téléopéré de 7,62 mm", c'est-à-dire d'une mitrailleuse commandée depuis l'intérieur du char.