Meilleure baguette de Paris: farine, levain, météo… comment les boulangers élaborent leur recette

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La ville de Paris a décerné ce jeudi 25 avril le 31e Grand prix de la baguette de tradition française. Un produit qui fait la renommée de la France dans le monde entier, d'autant qu'il est aujourd'hui inscrit au patrimoine immatériel de l'Unesco.

Un métier d'art... et de sciences. La ville de Paris décerne ce jeudi 25 avril le 31e Grand prix de la baguette de tradition française. Des dizaines et des dizaines de baguettes ont été déposées auprès du jury ce jeudi pour tenter de se démarquer et ainsi succéder à Tharshan Selvarajah, lauréat de l'édition 2023. Après délibération, cette année c'est Xavier Netry de la boulangerie Utopie du 11e arrondissement qui a remporté le prix.

Si les quatre ingrédients de base (farine, eau, sel, levure ou levain) sont les mêmes pour tous les produits présentés, il en faut bien plus pour faire d'une baguette "LA" meilleure baguette de Paris. Mélanger les ingrédients ensemble ne suffit pas: chaque étape de la recette peut donner au produit final un aspect et un goût différent.

"La recette de la pâte de l'artisan boulanger est différente, parce que chacun a son secret de recette", explique à BFMTV.com Adeline Chazelle, chargée de communication du Syndicat des boulangers du Grand Paris.

"Il y en a qui font plus de fermentation que d'autres, il y en a qui utilisent leur propre levain, c'est eux qui l'ont créé. Le levain, il peut y avoir du jus d'orange, du jus de raisin... ça fait partie des signatures du boulanger."

Des recettes uniques

Gagnant de l'édition 2022 du concours, Damien Dedun, de la boulangerie Frédéric Comyn dans le 15e arrondissement, avait justement expliqué après sa victoire consacrer une attention particulière à la fermentation de sa pâte.

"C'est 24 heures de travail, parce qu'il y a du pétrissage jusqu'à la cuisson. Il y a la fermentation, on va développer le bouquet aromatique", avant l'étape de la cuisson pour "développer les arômes et faire plaisir à notre client tous les jours", détaillait-il après sa victoire.

La baguette de Tharshan Selvarajah, primée lors de l'édition 2023 du concours, est quant à elle une favorite des clients de la boulangerie "Au Levain des Pyrénées" (20e arrondissement) pour son croustillant. Ce dernier point, celui de la cuisson, est aussi un élément qui permet de départager des candidats au concours.

"Plus elles sont cuites, plus la croûte a caramélisé", explique Adeline Chazelle. "Si elle a bien fermenté, à l'intérieur, la mie est alvéolée. Ça donne un goût très beurré, crémé, qui n'est pas le cas partout."

Si elle ne fait elle-même pas partie du jury, la chargée de communication du Syndicat des boulangers du Grand Paris reconnaît que ce qui détermine pour elle une bonne baguette tradition est "qu'elle soit bien cuite. Je veux qu'il y ait de la mie qui soit aérée, j'aime bien quand elle a une couleur qui tire vers le jaune."

D'autant que l'origine même des ingrédients utilisés dans la recette de la baguette tradition aura une influence sur son goût. Outre le levain, qui donne des saveurs distinctes à la baguette, la farine utilisée joue elle aussi sur le goût du produit final.

"En fonction d'où vous prenez la farine, elle aura un goût particulier, parce que chaque meunier ne fait pas la recette de la farine de tradition exactement pareille. Ils assemblent des céréales, mais de différents territoires. (...) Chaque métier a sa valeur ajoutée et ajoute une pierre à l'édifice de la baguette."

La météo entre aussi en compte

Mais en plus des ingrédients et de la recette propre à chaque boulanger, l'artisan doit aussi composer avec des éléments extérieurs qu'il ne peut pas contrôler, mais qu'il doit tout de même anticiper pour un beau (et bon) rendu. Les températures extérieures et les conditions météorologiques sont ainsi déterminantes dans la réalisation d'une baguette.

"Aujourd'hui (mercredi, ndlr) il ne pleut pas, il fait un froid sec et il y a du vent. Demain, ils annoncent de la pluie. Déjà, entre aujourd'hui et demain, la recette de la baguette ne sera pas la même", explique Adeline Chazelle.

En fonction de la température, l'artisan boulanger doit ainsi adapter la quantité de farine, "parce que vous allez perdre plus ou moins à la cuisson en fonction du temps dehors", voire même la température de l'eau.

"Quand il fait très froid, vous êtes obligés de chauffer un peu l'eau dans la recette de la pâte. La température extérieure, c'est le nerf de la guerre d'un boulanger. Il arrive le matin, il regarde, il adapte la recette en fonction."

D'autant que la réalisation d'une baguette demande de savants calculs en fonction des quantités de pain réalisées, pour adapter les mesures de sel, de levure et d'eau. Autant d'éléments qui font de la boulangerie "un vrai boulot de technicien".

Une tradition parisienne

Si la ville de Paris continue d'organiser chaque année, avec le Syndicat des boulangers du Grand Paris, ce prix de la baguette de tradition française, c'est aussi car l'histoire de la baguette est intimement liée à celle de la capitale. Beaucoup de spéculations existent autour des origines de la baguette, mais une en particulier la relie à l'installation des Viennois dans le secteur de l'opéra.

"Ils faisaient du pain viennois, mais à l'époque, le beurre et le lait, et notamment le lait, étaient très chers", explique Adeline Chazelle. "Donc ils ont enlevé le lait, et ça a fait le premier pain. Au départ, c'était des grosses pièces, pas des baguettes, parce que c'était lors de la construction du métro, et les ouvriers restaient sous terre pendant des jours. Ils partaient avec des gros pains qui pouvaient durer et qu'ils pouvaient partager plusieurs jours."

Depuis, la baguette est devenue un symbole indissociable de la France. En novembre 2022, elle a d'ailleurs été classée au patrimoine immatériel de l'humanité de l'Unesco.