Les banques de Gaza dévalisées par des groupes armés

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La guerre entre le Hamas et Israëldossier

Selon des informations du «Monde», plusieurs groupes armés palestiniens, dont le Hamas, ont cambriolé au mois d'avril des banques de Gaza et volé 66 millions d'euros. L'armée israélienne aurait également saisi des fonds.

Depuis début avril, plusieurs agences bancaires de la ville de Gaza, dévastée par les bombardements de l'armée israélienne et largement vidée de sa population, ont été la cible de cambriolages spectaculaires. Le Monde a pu se procurer un document de la Banque de Palestine, datant du 20 avril, qui révèle l'ampleur de ces casses.

La Banque de Palestine est une institution financière privée, la plus importante des territoires palestiniens, fondée à Gaza dans les années 60 et toujours dirigée par une grande famille de l'enclave, les Shawa. Le 16 avril, des employés de la banque ont constaté qu'un trou avait été percé dans le plafond de la salle des coffres de cette banque, située au cœur du quartier de Rimal, un coin cossu de l'enclave, avant la guerre. Le groupe armé avait emporté des cassettes de distributeurs de billets, contenant environ 2,8 millions d'euros en shekels israéliens. Mais les malfaiteurs n'avaient pas réussi à ouvrir les coffres.

Pour prévenir tout retour des bandits, la banque avait alors fait couler du ciment sur les coffres, qui contenaient encore d'importantes réserves en liquide. Mais le 17 avril, «des groupes armés» munis d'explosifs ont fait sauter le caisson de ciment et ouvert trois coffres, raflant 29 millions d'euros en différentes devises, rapporte le Monde.

Fonds importants

Le 18 avril, des employés de la banque se sont rendus dans la précipitation dans une seconde agence, la plus importante du centre-ville, pour y retirer les fonds importants encore entreposés. Ils étaient attendus par un commando armé, se réclamant «des plus hautes autorités à Gaza», formule qui désigne le Hamas, révèle le document récupéré par le quotidien. Menaçant les employés, tirant des coups de feu, les malfaiteurs sont parti cette fois avec 33,6 millions d'euros en shekels israéliens. Un des employés de la banque a été hospitalisé après un malaise cardiaque.

La banque a révélé qu'un précédent casse avait eu lieu dans la nuit du 7 avril, dans l'agence de la rue Omar al-Mokhtar. Butin pour les malfaiteurs : 3,7 millions d'euros en différentes devises. En un mois, la banque évalue donc ses pertes à 66 millions d'euros et tous ses autres coffres ont été cimentés depuis.

Selon le Monde, la Banque de Palestine a également été visée par l'armée israélienne qui aurait saisi au début de l'année une importante somme d'argent - l'équivalent de plusieurs dizaines de millions de dollars, selon les médias israéliens - pour éviter que le Hamas ne s'en empare.

La plupart des banques présentes à Gaza ont subi des intrusions durant la guerre : des tentatives de vol aux guichets désertés, des perçages de distributeurs de billets, etc. Le 22 avril, l'Autorité palestinienne de la monnaie a déploré que «les attaques répétées contre des agences bancaires et des distributeurs de billets menacent la poursuite de l'activité de ces branches et leur capacité à payer les salaires des employés et à verser des fonds à leurs propriétaires». Elle appelait les représentants des «forces sociales et des tribus de la bande de Gaza à apporter une protection aux agences et à leurs biens», rapporte le Monde.

Parcours du combattant

Soucieuse de rassurer les déposants, l'Autorité de la monnaie précise que seuls 8,4 % des fonds bancaires palestiniens étaient conservés à Gaza avant-guerre. Selon un diplomate français, la Banque de Palestine est soutenue par plusieurs Etats et institutions internationales - Proparco, filiale de l'Agence française de développement, est un petit actionnaire de la banque depuis 2021. Il rappelle «que les fondamentaux de la banque sont solides et que la France continuera à la soutenir, ainsi que le système bancaire palestinien en général».

Depuis le début de la guerre à Gaza, les banques palestiniennes ont tenté de mettre leurs fonds à l'abri. En novembre 2023, la Banque de Palestine avait profité du bref cessez-le-feu pour rassembler une partie de ses fonds stockés dans deux succursales de la ville de Gaza - l'équivalent de 45 millions d'euros en shekels israéliens - et les faire transporter discrètement vers le sud de l'enclave. Cette opération, révélée par le Financial Times en décembre 2023, a été confirmée au Monde par des sources palestiniennes et internationales.

Aujourd'hui, se procurer de l'argent liquide relève du parcours du combattant pour les Gazaouis. Tous les bureaux de la Banque de Palestine ont fermé. Seuls deux distributeurs de billets fonctionnent encore, à Rafah et à Deir Al-Balah (Sud), lorsqu'ils sont alimentés en électricité. Selon des témoignages de Gazaouis, corroborés par des enregistrements de caméras de surveillance, des hommes armés et masqués rançonnent les clients devant les distributeurs, exigeant un pourcentage de leurs retraits. Certains font aussi la queue pendant des heures pour céder leur place une fois arrivés près de ces machines, en échange de quelques billets.