Politique agricole commune : le Parlement européen remise les exigences environnementales au placard

→ Оригинал (без защиты от корпорастов) | Изображения из статьи: [1] [2]

G

reenpeace le résume en une phrase laconique, sans concession : « Ce vote réduit à néant les derniers vestiges de crédibilité de la politique agricole commune (PAC) en matière de protection de l'environnement et de l'intérêt général. » Le vote dont l'ONG parle est celui du Parlement européen lors de sa dernière session avant les élections du 9 juin, les 23 et 24 avril. Un vote sur proposition de la Commission européenne dans le cadre d'une procédure dite d'urgence visant à réexaminer les règles relatives aux écoconditionnalit...

G

reenpeace le résume en une phrase laconique, sans concession : « Ce vote réduit à néant les derniers vestiges de crédibilité de la politique agricole commune (PAC) en matière de protection de l'environnement et de l'intérêt général. » Le vote dont l'ONG parle est celui du Parlement européen lors de sa dernière session avant les élections du 9 juin, les 23 et 24 avril. Un vote sur proposition de la Commission européenne dans le cadre d'une procédure dite d'urgence visant à réexaminer les règles relatives aux écoconditionnalités (autrement dit aux conditions environnementales) auxquelles les agriculteurs devaient se soumettre dans le cadre de la PAC 2023-2027 pour toucher certaines aides.

Une urgence dans l'exécution sous-tendue par la proximité du scrutin européen et liée à la volonté de la Commission de donner une réponse rapide aux manifestations de colère des agriculteurs de ces derniers mois. Et peut-être aussi par son souhait de limiter un éventuel trop fort engouement des électeurs du monde agricole pour l'extrême droite.

La révision adoptée ce mercredi 24 avril par le Parlement européen fait disparaître du paysage l'obligation de 4 % de terres en jachères.

Archives Marie Seillery/SO

Renoncements environnementaux

C'est ainsi que, mercredi, « l'urgence » a été votée manu militari par 425 voix pour, 130 contre et 33 abstentions. Celle-ci tenant en un allégement XXL des contraintes environnementales de la PAC : ainsi l'obligation de ne pas cultiver au moins 4 % des terres afin de les mettre en jachères - disposition fortement critiquée par les agriculteurs - a disparu, tout comme la rotation des cultures. Le réexamen a également permis d'exonérer les petites exploitations de 10 hectares (qui représentent 65 % des structures soutenues par la PAC et 10 % des surfaces) de tout contrôle et pénalité liés au respect des règles environnementales, tandis que l'interdiction de sols nus durant les périodes sensibles et l'encadrement des labours ont été assouplis, susceptibles désormais de dérogations, « lors d'épisodes climatiques extrêmes ».

Du côté de la droite de l'hémicycle européen, on salue une révision qui donne « une réponse concrète au ras-le-bol du monde paysan ». Tandis que le ministre de l'Agriculture français, Marc Fesneau, veut croire que cette simplification va « redonner de la cohérence à la PAC tout en maintenant son ambition environnementale, en sécurisant l'activité des agriculteurs et en soutenant les capacités de production de la France et des États-membres ».

« Déverdissement » de la PAC

Sur son compte X (ex-Twitter), l'eurodéputé écologiste néo-aquitain Benoît Biteau fait les comptes et décrit les votes qui ont contribué à « détruire les quelques garde-fous environnementaux de la PAC », avec en tête de peloton, la droite, l'extrême droite et Renaissance, avec une partie des socialistes.

Cette réforme ne va pas rapporter un euro à ceux qui manifestaient sur les routes, à savoir les éleveurs, les petits exploitants et ceux qui ont les revenus les plus faibles

Eurodéputé socialiste, membre du groupe des socialistes et démocrates, cinquième sur la liste de Raphaël Glucksmann pour les élections du 9 juin, Christophe Clergeau a voté contre : il dénonce la forme, à savoir « une réforme assez profonde montée en un mois et demi par la Commission sans concertation avec les élus européens ni étude d'impact » et le fond, à savoir un « déverdissement de la PAC quand les écoconditionnalités étaient censées légitimer le versement des aides ». Pour l'eurodéputé des Pays de la Loire, le risque est que l'application immédiate de cette réforme soit aussi bâclée que sa préparation, « sans compter que ça ne va pas rapporter un euro à ceux qui manifestaient sur les routes, à savoir les éleveurs, les petits exploitants et ceux qui ont les revenus les plus faibles ».

Quid de la question du revenu ?

La question du revenu au centre de la colère paysanne reste d'ailleurs absente de cette réforme express. « Effectivement, ce alors qu'il y a plus d'un mois, la Commission européenne annonçait sa volonté de réfléchir à deux volets : la remise en cause écologique de la PAC et un travail sur les relations commerciales au sein de la filière agricole avec la mise en place d'un observatoire des coûts à l'échelle européenne. Le premier volet a donné lieu à des textes de loi, le second a été renvoyé à septembre… après les élections européennes. »

La gauche dans son ensemble voit dans ce vote à la va-vite, « une opération politique de la droite européenne et de la présidente de la Commission européenne », ainsi qu'une « revanche antiécologique pour un retour en arrière sur l'évolution de la PAC », ajoute Christophe Clergeau. « Le prochain rendez-vous, c'est le scrutin du 9 juin, poursuit-il. Si l'opinion publique a eu de la sympathie pour les protestations des agriculteurs, je ne pense pas qu'elle adhère à la méthode et au prix d'un déverdissement de la PAC. »

À noter, le Conseil européen va devoir se prononcer à son tour sur la réforme et devrait en toute logique suivre le vote du Parlement européen. L'application sera ensuite immédiate.